Faire l’histoire des essais


Le secret défense en question

Depuis des années, un véritable bras de fer se joue entre, d’un côté, le ministère de la défense et de l’autre, les historiens, les autorités algériennes et polynésiennes, les associations de victimes, les journalistes et l’opinion publique. Le débat sur l’ouverture des archives des essais nucléaires confronte deux perspectives différentes : le « secret défense » au nom de la raison d’Etat et le « droit à la mémoire », fondement d’une société démocratique.

Le « verrouillage » des archives des essais nucléaires apparaît comme une obsession du ministère de la défense français, telle qu’il aura fallu, en 2008, réformer les règles traditionnelles en matière de communication des documents officiels. Alors que le délai au-delà duquel les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés était de 60 ans dans la loi du 5 janvier 1979 pour les documents intéressant la défense nationale, le 15 juillet 2008, le Parlement votait un nouveau texte stipulant que « Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue. »

Cette nouvelle disposition de la législation française a, depuis, fait l’objet de maints débats, non seulement avec les associations de victimes des essais et les historiens, mais également dans le cadre de relations diplomatiques entre la France et l’Algérie sur les archives des essais français au Sahara et dans les relations franco-polynésiennes. Les prétextes aux refus de communication de documents « secrets » invoqués par les ministres de la défense sont empreints de mauvaise foi et frisent parfois le ridicule : il s’agirait, pour la France, « de respecter ses engagements en matière de non-prolifération nucléaire » ou encore d’éviter que des Etats ou groupes « mal intentionnés » obtiennent des informations pour la fabrication d’armes nucléaires.

Des dérogations peuvent être accordées aux tribunaux par de longues procédures auprès de la « Commission consultative du secret de la défense nationale ». D’autres dérogations ont été accordées par le ministre de la défense à trois « experts » triés sur le volet et bien connus pour leur allégeance aux thèses les plus rétrogrades sur l’innocuité des essais nucléaires. Ces experts auraient été autorisés à consulter des dossiers « secrets » pour en tirer des conclusions qui ne pourront être appuyées par aucun document.

La crispation du ministère de la défense sur cette interdiction de communication des documents secrets est telle que, lors de la publication de rapports ayant échappé à la vigilance des « gardiens de la raison d’Etat », le ministre doit démentir, menacer des foudres de la justice et réitérer le refus officiel d’ouverture des archives des essais nucléaires… jusqu’à la prochaine publication d’autres documents estampillés « secret » qui, tôt ou tard, feront la une des médias…

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