Tahiti leurré
A 1400 km de Moruroa, Tahiti n’avait qu’un écho lointain des expériences nucléaires. Les retombées étaient visiblement plus économiques que radioactives et les informations diffusées par les médias – journaux, radios et télévision – plutôt rassurantes.
Pour les travailleurs et militaires de Moruroa qui revenaient périodiquement à Tahiti, le silence était de règle, sous peine de renvoi. Quant aux ministres de la République de passage et aux élus locaux, manipulés en « instruments » de propagande, leur rôle consistait à payer de leur personne pour la défense des « essais propres » et la démonstration du caractère anodin des expériences nucléaires.
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Les livres de Bengt et Marie-Thérèse Danielsson « Moruroa mon amour » et « Moruroa notre bombe coloniale » développent le bouleversement et le dévoiement de la classe politique polynésienne – au nom de la raison d’Etat – par ce qu’on a appelé « le système
CEP ». En fait, ayant depuis les guerres d’Indochine et d’Algérie l’expérience des moyens de la guerre révolutionnaire, les autorités « militaro-civiles » omniprésentes à Tahiti utilisèrent propagande, psychologie, médias, chantage et surveillance pour bloquer les tentatives d’opposition aux essais dans l’opinion tahitienne. Les historiens noteront que l’accession d’Oscar Temaru à la présidence de la Polynésie, en 2004, marquera le revirement progressif de l’opinion tahitienne – classe politique, société civile, médias et même fonctionnaires – vis-à-vis des essais nucléaires.