Hao au temps des essais


Pendant toute la période des essais atmosphériques (1966-1974), la base de Hao a été l’objet d’une intense activité en raison du fonctionnement ordinaire de la base aérienne militaire et des services du Commissariat à l’Energie atomique.

De plus, les personnels civils et militaires qui participaient à la préparation des tirs sur Moruroa et Fangataufa étaient – pour un certain nombre, notamment les civils – repliés sur Hao au moment des tirs. Les bâtiments-bases (Maurienne, Médoc…) qui servaient de logements à ces personnels sur les atolls nucléaires se déplaçaient jusqu’à Hao pendant les tirs.

Chaque tir nucléaire effectué sur les atolls nucléaires (ou à proximité) était particulièrement « ausculté » non seulement à partir des installations construites sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, mais aussi par des dispositifs destinés à recueillir les radioéléments présents dans le nuage « radioactif ».

Les avions Vautour 2VN PP devaient effectuer des prélèvements de poussières radioactives par des tuyères qui étaient fixées sous les ailes des avions. Ils décollaient de Hao à H-5 minutes pour entrer dans le nuage radioactif à H+45 minutes. Les Vautour V2N étaient équipés avec des missiles Matra qui étaient tirés dans le nuage. Ces missiles étaient ensuite récupérés en mer par des hélicoptères de l’Aéronavale. D’autres avions de surveillance, les Neptune, suivaient de plus loin le nuage radioactif.

Les avions qui pénétraient dans le nuage radioactif étaient évidemment contaminés et devaient être décontaminés. Ces opérations étaient effectuées sous la responsabilité de l’officier NBC (Nucléaire, Biologique, Chimique) de l’Escadron. Un site particulier, l’«Aire de décontamination des avions » était situé à l’extrémité de la piste d’aviation de Hao, en bordure de l’océan Pacifique.

La décontamination des avions était évidemment spectaculaire et effectuée à peu de distance des zones de circulation et de loisirs des personnels, notamment des jeunes appelés du service national. Officiellement, les eaux de décontamination étaient stockées et filtrées, mais les photos montrent clairement que tel n’était pas toujours le cas et de nombreux témoignages attestent que ces eaux contaminées allaient directement à l’océan tout proche.

Les opérations de décontamination des avions ont généré des tonnes d’effluents radioactifs, non seulement pour laver les avions, mais également pour décontaminer les personnels chargés de ces opérations. Des bâtiments avaient été créés à cet effet à proximité de « l’aire de décontamination des aéronefs ». De plus, pour la décontamination « fine », notamment des moteurs d’avions, des ateliers spécialisés ont été créés sur la zone SMSR proche du Centre technique du CEA.

La zone SMSR-CEA, située à la sortie sud du village d’Otepa avait sa propre organisation sous étroite surveillance. Un beeching permettait de tirer au sol des bâtiments de la marine contaminés à Moruroa ou Fangataufa et d’y effectuer la décontamination des coques. Une laverie spéciale a été construite pour la décontamination des tenues « chaudes » utilisées par milliers quotidiennement lors des campagnes de tirs aériens. Plus au sud, se trouvaient les laboratoires du CEA avec des dénominations homonymes des laboratoires du Centre CEA de Bruyères-le-Châtel en région parisienne, la « maison mère » technique des expérimentations nucléaires de la France. On y assemblait les éléments de la bombe qui arrivaient par avion spécial depuis la France avant d’être expédiés à Moruroa et on y analysait les prélèvements de poussières et de gaz récupérés dans les champignons.

S’il fallait qualifier les activités de la base avancée de Hao à l’époque des essais aériens, le seul mot qui conviendrait serait « contamination », radioactive bien entendu.

Au fil des campagnes de tirs aériens, les quantités de matériaux contaminés étaient telles qu’il fallait « délester » régulièrement ces déchets, pour la plupart liquides et solides. Quant aux contaminations « gazeuses », Hao ne fut pas non plus épargné : on décompte 19 retombées de nuages radioactifs sur Hao entre 1966 et 1974. L’océan fut considéré comme le lieu idéal de dépôt des déchets radioactifs solides et liquides ! Heureusement, quelques photos de ces « délestages » obligèrent, trente ans plus tard (en 2006), le ministère de la défense à entrouvrir ses archives pour donner quelques détails sur ces rejets en mer, au large de la passe de Hao, de tonnes de déchets radioactifs. Nul ne peut assurer que tout a été révélé et il est probable qu’on aura des surprises lors des opérations de « réhabilitation » de Hao devant démarrer en 2009.


Mais ce qui est certainement le plus scandaleux de la période CEP de Hao, c’est que la population autochtone comme les milliers de militaires et de civils qui se sont succédés sur la base militaire entre 1966 et 2000 ont vécu sans précaution aucune, sans mesures de prévention, sans information sur les risques de la nature radioactive des activités de la « base avancée ». On vivait, on se baignait, on pêchait, on célébrait toutes les fêtes nationales, locales et militaires… dans l’insouciance la plus parfaite. Bien évidemment, les autorités du CEP qui étaient parfaitement au courant des dangers, se sont bien gardées de faire la moindre enquête épidémiologique tant sur la population autochtone que sur les personnels militaires et civils qui ont vécu « joyeusement » en ambiance radioactive.


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