Le combat des associations


Début 2000, une petite équipe du réseau « Solidarité Europe Pacifique » avec les deux sociologues hollandais Han Seur et Pieter de Vries se retrouve à Genève autour de John Doom. Décision est prise de créer au plus tôt à Tahiti, dans la foulée de la publication de l’enquête sociologique, un « Comité de suivi Moruroa et nous » avec des représentants des deux institutions « commanditaires » de l’enquête : Hiti Tau et l’Eglise Evangélique. Le Comité sera créé très rapidement autour de Roland Oldham, Roti Make, John Doom et les pasteurs Taarii Maraea et Joël Hoiore.

En Métropole, le débat surgit enfin. Depuis 1999, les médias font largement écho des revendications des vétérans de la guerre du Golfe qui attaquent le ministère de la Défense parce qu’ils sont malades. Ce débat a mis la puce à l’oreille d’anciens des essais nucléaires qui constatent qu’ils ont aussi le même genre de problèmes de santé. Et les appels se font pressants au bureau du CDRPC de Lyon, déjà bien connu pour ses publications sur les essais nucléaires français. Bruno Barrillot sollicite quelques anciens des essais pour la création d’une association. Michel Verger et le Dr Jean-Louis Valatx, tous deux anciens des essais au Sahara répondent à l’appel. Avec Jacques Muller et son épouse, ancien militaire du Sahara et André Devéna, ancien de la Polynésie, ils formeront l’équipe de lancement de l’association le 9 juin 2001. Créée à Lyon, l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) s’appuiera sur la structure solide du CDRPC.

Un mois plus tard, le 4 juillet 2001, à Papeete, le « Comité de suivi » lançait une invitation pour la création d’une association d’anciens travailleurs de Moruroa, sans grandes illusions. A tout hasard, une trentaine de chaises furent alignées dans la grande salle de l’Eglise Evangélique à Paofai. Il vint 175 personnes ! La parole fut donnée aux anciens travailleurs et aux veuves, mais aussi à Mrs Sue Rabbitt Roff, épidémiologiste spécialiste des essais nucléaires britanniques, invitée par le Comité. L’association Moruroa e tatou fut créée ce soir-là et l’assemblée en confia la présidence à Roland Oldham et le rôle de coordinateur à John Doom. Comme ce fut le cas pour l’Aven, Moruroa e tatou s’appuyait aussi sur une institution solide, l’Eglise Evangélique reconnue par tous pour son engagement courageux contre les essais nucléaires.

Déterminés à travailler en commun, les deux associations organisèrent ensemble, le 19 janvier 2002, un colloque au Sénat, à Paris, pour alerter les pouvoirs publics français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé. Les intervenants – en plus des témoins directs des deux associations – venaient de France, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, du Japon, de Nouvelle-Zélande, d’Australie, de Fidji. Ce fut l’occasion de mobiliser le réseau européen « Solidarité Europe Pacifique » et les associations de soutien françaises. Plus de 250 personnes participèrent au colloque. Les médias, aussi, se mobilisèrent et leur soutien à la cause des victimes des essais nucléaires ne s’est jamais démenti depuis ce jour.

Désormais, la conviction était ancrée dans les faits : la lutte pour faire reconnaître les droits des victimes des essais ne pouvait faire l’impasse de la solidarité entre tous, de métropole et de Polynésie. En juillet 2002, le président de l’Aven, Jean-Louis Valatx était invité à participer à l’assemblée générale de Moruroa e tatou. Restaient les victimes algériennes. Ce fut chose faite en août 2002… à Hiroshima grâce à l’invitation de l’association Gensuikin regroupant des victimes des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Pour la première fois des représentants de Polynésie, d’Algérie et de France s’unissaient pour exiger « vérité et justice » au nom de toutes les victimes des essais nucléaires.

Ce combat commun se poursuit encore aujourd’hui malgré les nombreuses tentatives de division, dont beaucoup furent « téléguidées ». Mais les enjeux de la solidarité sont importants au moment où l’Etat français commence à admettre que les essais français n’étaient pas aussi « propres » que ce qui était proclamé. En 2009, on entrevoit un succès de la lutte pour le droit des victimes des essais français. Mais, bien qu’il y ait une réelle volonté politique du gouvernement pour régler ce problème dans l’honneur, l’acharnement rétrograde des tenants des « essais propres et sans conséquences sur la santé » risque de remettre en cause, provisoirement, cette justice pour laquelle les associations se sont battues depuis des années.


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