Des expériences particulières : les tirs de sécurité


Toutes les expériences réalisées sur les sites d’essais ne mettaient pas forcément en jeu les réactions nucléaires, c'est-à-dire une puissance de feu capable de détruire des villes entières. Au Sahara comme à Moruroa, des expériences particulières portaient le nom de « tirs de sécurité ».
Ces tirs étaient effectués sur la zone « Colette » qui se situe à l’ouest de la zone Denise au nord de l’atoll de Moruroa. En fait, il s’agissait de vérifier, en cas de crash d’un avion militaire transportant la bombe, que cette dernière ne déclenche pas les mécanismes de mise à feu et provoque une explosion nucléaire accidentelle sur un lieu non déterminé à l’avance par les décideurs militaires.

Cette éventualité n’était pas hypothétique. Le 17 janvier 1966, à proximité de Palomares, en Andalousie, un bombardier américain B-52 fut accidenté avec 4 bombes à hydrogène à son bord. Au bout de trois mois de recherche, avec 12 000 hommes, les Américains récupérèrent les 4 bombes et durent nettoyer le plutonium répandu sur le sol. Deux ans plus tard, selon des documents déclassifiés, les militaires américains n'ont jamais pu localiser une des quatre bombes transportées par un bombardier stratégique B-52 qui s’était écrasé le 21 janvier 1968 près de la base aérienne de Thulé (Groenland).

Le 21 juillet 1966, sur le motu Colette, on « simula » donc un accident comme celui de Palomares en larguant une bombe réelle depuis une hauteur d’une centaine de mètres, sans mettre en jeu les mécanismes de mise à feu nucléaire. L’engin éclata sur le sol corallien et répandit sur une large surface des fragments de plutonium.

Les responsables du CEP n’ignoraient pas les risques à laisser ce plutonium répandu. Mais l’urgence était à la préparation du tir suivant du 11 septembre 1966 auquel devait participer le Général de Gaulle et qu’il ne fallait surtout pas rater. A cette occasion, on devait expérimenter un nouveau mode de tir, sous ballon, et les aérostiers avaient eu d’énormes difficultés dans les essais préalables de gonflage et de stabilité du ballon.

Il semble donc que pour régler le problème du motu Colette, on ait paré au plus pressé. On se contenta donc de recouvrir de goudron – provisoirement – les zones contaminées afin de fixer au sol les fragments et les traces de plutonium. Le motu Colette étant suffisamment à l’écart des zones de l’atoll utilisées pour les activités du CEP, on laissa les choses en l’état.

Selon Serge Gargoët qui effectua son service militaire comme mécanicien sur hélicoptère Alouette II lors de la campagne de tirs de 1968, « le motu « Colette » situé près de la passe de Moruroa était interdit de survol à basse altitude, la consigne, en cas de panne avec atterrissage forcé, était de se poser en extrême urgence dans le lagon. »

De plus, quatre autres tirs de sécurité ont été effectués depuis une tour sur cette zone Colette entre 1972 et 1974. Il semble même qu’on y accumula au fil des années d’autres déchets en fûts ou en « viroles » bétonnés. Un ancien travailleur affirme même qu’on y brûlait dans une cuve, à l’air libre, les combinaisons et autres vêtements de protection trop contaminés pour être réutilisés.


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