Les personnalités


Parmi les opposants polynésiens aux expériences nucléaires, hommes politiques, gens d’Eglise ou responsables associatifs, le site « Moruroa » réserve cette page spéciale à Bengt et Marie-Thérèse Danielsson, polynésiens d’adoption. Ils ont partagé, souvent avec beaucoup de courage, la lutte des polynésiens contre les essais. En raison de leur notoriété reconnue internationalement et de leurs écrits, les Danielsson ont permis que la contestation des essais nucléaires en Polynésie dépasse le cadre français et soit connue dans le monde entier.
Comme de nombreuses familles polynésiennes, ils ont vécu l’immense souffrance de la mort par cancer, de leur fille unique, à l’âge de 20 ans, en pleine période des expériences aériennes. Bien que Bengt et Marie-Thérèse Danielsson aient été « honnis » et dénigrés par nombre de dirigeants politiques et militaires français, leur rendre hommage fait partie du « devoir de mémoire » du peuple maohi.

Bengt et Marie Thérèse Danielsson



Le 7 août 1947, le jeune ethnologue suédois Bengt Danielsson abordait l’atoll de Raroia avec ses compagnons du Kon Tiki. La fantastique aventure maritime du radeau qui conduisit les navigateurs norvégiens et suédois depuis le Pérou jusqu’aux Tuamotu allait marquer toute la carrière du Suédois. Dès l’année suivante, avec sa jeune épouse Marie-Thérèse, il s’installait pendant plus d’un an pour une étude ethnologique sur Raroia, puis bientôt à Tahiti où se déroula l’essentiel de sa carrière de scientifique et d’écrivain. Les Danielsson aimaient accueillir. Ecrivains, artistes, hommes politiques et militants du monde entier de passage à Tahiti ont été reçus dans une grande convivialité sous les « purau » de leur propriété de Papehue à Paea, face à l’île sœur de Moorea.

Bengt et Marie-Thérèse Danielsson ont vécu à Tahiti toute la période de préparation à l’installation du Centre d’Expérimentation du Pacifique au début des années 1960 et ils y ont pratiquement vécu tout le reste de leur vie. Ils entretenaient des relations amicales avec les personnalités politiques polynésiennes qui souvent, leur demandaient conseil sur la position à prendre face aux exigences des responsables du CEP. Le couple s’est toujours trouvé aux côtés des opposants aux expériences nucléaires. Non sans raison. En effet, la perte tragique de leur fille unique Maruia, décédée, en juin 1972, d’un cancer alors qu’elle avait vingt ans, est restée comme une ombre dans la vie du couple. Ils étaient convaincus de la relation entre la maladie de leur fille et la radioactivité diffusée par les essais nucléaires qui a pollué des îles considérées auparavant comme paradisiaques.

Publié en 1974, leur premier livre sur les essais nucléaires – Moruroa mon amour – est un véritable réquisitoire sur le comportement de l’Etat français à l’égard des Polynésiens pour imposer ses expériences atomiques. Ce livre eut un retentissement tel qu’il contribua certainement à la décision du Président Giscard d’Estaing de renoncer, l’année suivante aux essais aériens. A Tahiti, alors que la presse était muselée et que les flots d’argent déversés obscurcissaient bien des consciences, les Danielsson exprimaient inlassablement leur opposition aux essais, ce qui leur valut de nombreuses mesures vexatoires des autorités de l’Etat. De nationalité suédoise et consul de Suède en Polynésie, Bengt Danielsson fut même déchargé de ce poste à la demande des autorités françaises !

Invité dans le monde entier, Bengt Danielsson était connu pour ses ouvrages d’ethnologie sur la Polynésie dont il était devenu le spécialiste. Il ne manquait jamais de stigmatiser les expériences nucléaires de la France, notamment lors de ses tournées de conférences organisées pour les touristes par les compagnies maritimes. Marie-Thérèse l’accompagnait souvent et, au fil des ans, elle fut sollicitée indépendamment pour des conférences, des articles et des interviews sur les essais nucléaires de la France. Correspondants du Pacific Islands Monthly, ils ont contribué à informer pendant des années les populations du Pacifique sur les risques du nucléaire et à la constitution de l’organisation Nuclear Free and Independant Pacific (NFIP). Cette organisation, basée à Suva (Fidji), a été le fer de lance du processus qui a permis la négociation et la conclusion, en 1985, du traité de Rarotonga de dénucléarisation du Pacifique Sud.

Infatigable globe-trotter, ambassadrice de la lutte des peuples du Pacifique contre les armes nucléaires, Marie-Thérèse Danielsson est connue dans le monde entier, comme femme engagée « pour la paix et la liberté ». Présidente de la Ligue polynésienne des femmes pour la paix et la liberté, elle fut invitée à Moscou - reçue par Mikhaïl Gorbatchev - , à Pékin, à Dili (Timor Oriental) lors du récent conflit d’indépendance, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis et dans de nombreux pays d’Europe.

En 1991, à Stockholm, le couple Danielsson en compagnie du sénateur Jeton Anjain de l’atoll de Rongelap aux Marshall ont reçu des mains du roi de Suède le Right Livelihood Award, souvent désigné comme « le prix Nobel alternatif », pour leur action en faveur des victimes des essais nucléaires français et américains dans le Pacifique.

Bengt Danielsson et son épouse Marie-Thérèse sont décédés respectivement en 1997 et en 2002. Ils restent présents à notre mémoire comme les sentinelles vigilantes qui ont su nous alerter des dangers des essais nucléaires pour le présent et pour les générations futures. Ils n’ont certes pas été les seuls à réagir, mais sans leur action persévérante étendue au monde entier, le cri des Polynésiens contre les essais français n’aurait peut-être jamais été entendu avec autant de force et sans autant d’écho pour que les droits des victimes soient enfin reconnus.



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