Le moratoire (1992 - 1995)
Une nouvelle fois, dans l’histoire des essais nucléaires français, la prépondérance du politique allait se manifester. Comme l’avait fait Valéry Giscard d’Estaing en 1974, le Président Mitterrand fit annoncer un moratoire des essais français le 8 avril 1992 par son Premier ministre Pierre Bérégovoy. Cette décision, prise sans concertation avec dirigeants militaires et du
CEA de la
DIRCEN, prenait acte de la fin de la guerre froide, mais aussi d’une grande campagne d’opinion française pour l’arrêt des essais soutenue par les Verts qui venaient, en mars 1992, d’obtenir 14 % des suffrages aux élections régionales.
En Polynésie, la pression des organisations politiques et associatives avait préparé le terrain dès la fin des années 1980. Des débats eurent lieu à Papeete à l’initiative du Tomite no te Hau où se retrouvaient des représentants des partis, des syndicats, des Eglises, des associations qui obligèrent le CEP à une première offensive de « transparence » qui culmina, en 1989, lors d’une grande « table ronde sur le CEP ». Malgré les inévitables mesures de restriction des personnels des sites qui touchèrent essentiellement les « missionnaires » venus de France, le moratoire fut bien accepté par l’opinion polynésienne qui voyait poindre la fin du CEP.
Un an plus tard, en mars 1993, l’arrivée d’un gouvernement de cohabitation dirigé par Edouard Balladur allait relancer en France le lobby des essais nucléaires. Au cours de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 1995, le ministre de la défense François Léotard, déclara même :
« La question n’est pas de savoir s’il faut reprendre les essais, mais quand les reprendre. »
Dans ce contexte, une interrogation reste pour l’instant sans réponse. Pourquoi François Mitterrand, convaincu de l’imminence d’un prochain accord international sur l’arrêt définitif des essais nucléaires, n’a-il pas pris de dispositions pour la fermeture des sites d’essais polynésiens alors qu’il en avait le pouvoir en tant que Chef des Armées ?