Un atoll proche de Moruroa
Tureia est l’atoll habité le plus proche de Moruroa.
Au milieu des années 1960, le seul village, Fakamaru, ne comptait que quelques familles soit, selon des estimations, entre 50 et 80 personnes, enfants compris. L’activité principale des insulaires consistait à exploiter la cocoteraie, à récolter le coprah et livrer la récolte à la goélette, lorsqu’elle venait, en échange de produits alimentaires et manufacturés. Comme dans beaucoup d’atoll des Tuamotu, une grande partie de l’alimentation – poissons et mollusques – provenait du lagon et de la cocoteraie, notamment pour l’eau de coco et les produits « dérivés » du coprah. L’eau de pluie était récoltée dans des citernes pour les besoins alimentaires et d’hygiène.
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L’atoll de Tureia a cependant la particularité de n’avoir aucune passe, ce qui signifie que l’eau du lagon n’est renouvelée que par quelques passages communiquant avec l’océan (les hoas) et par temps de grosse mer lorsque la houle passe par-dessus le récif.
Cette particularité qui n’est pas unique aux Tuamotu aura cependant une grande importance au moment des essais aériens. Les eaux du lagon peu renouvelées accumuleront la radioactivité, retombée après retombée. Toute la chaîne alimentaire, depuis l’écosystème corallien jusqu’aux poissons, aux mollusques et crustacés et aux êtres humains, sera progressivement contaminée. De plus, les citernes se rempliront des pluies radioactives fréquemment provoquées par condensation après une explosion nucléaire.
Quelques rapports officiels, marqués du sceau du secret, mentionnent effectivement les risques de la proximité de Tureia avec les deux atolls nucléaires de Moruroa et Fangataufa. Mais la priorité est au programme d’essais. En cas de risque majeur, il est prévu une évacuation préventive de la population de Tureia et c’est ce qui se fera en 1968 lorsque la France expérimentera ses premières bombes thermonucléaires. Pour les autres campagnes de tir, les autorités militaires font confiance à leurs météorologues qui devaient prévoir la direction des vents avant chaque tir. Aujourd’hui, dans son livre « La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie », le ministère de la défense révèle que la
DIRCEN a dû reporter de nombreux tirs aériens pour des raisons météorologiques, jusqu’à 16 jours comme ce fut le cas pour le tir Scorpion du 14 août 1974 qui contamina néanmoins l’atoll habité de Reao le lendemain…