Les essais aériens d’Hammoudia
Entre le 13 février 1960 et le 25 avril 1961, la France a réalisé quatre essais nucléaires dans l’atmosphère au-dessus du polygone de tir d’Hammoudia. Les noms de code de ces essais furent Gerboise bleue, Gerboise blanche, Gerboise rouge et Gerboise verte. (La gerboise est un petit rongeur vivant sur les sols sablonneux du désert). Le 13 février 1960, Gerboise bleue développa une énergie équivalente à 4 fois celle de la bombe d’Hiroshima. Le tir du 1er avril 1960, Gerboise blanche fut tiré sur un socle de béton au niveau du sol à une distance très excentrée des installations principales des points zéro. Les deux autres tirs aériens furent tirés au sommet d’une tour métallique d’environ 50 mètres de hauteur.
Les précautions prises pour la protection des personnels militaires et des habitants des palmeraies voisines ont été très sommaires, voire inexistantes. Quelques documents estampillés « secret » permettent d’avoir une idée du mépris des autorités militaires à l’égard de leurs hommes. Si l’on compare avec ce qui a été fait en Polynésie pour la protection des populations – des blockhaus pour Tureia qui se trouve à 110 km de Moruroa et des « abris de prévoyance » sommaires pour les Gambier, Reao et Pukarua – on peut constater que pour les populations sahariennes de Reggane (environ 40 km d’Hammoudia) et quelques palmeraies encore plus proches des points zéro, la protection était nulle. Aucun abri ou autre bâtiment n’a été construit pour ces populations, tout aussi bien que pour les personnels militaires de la base de Reggane Plateau ou les quelques dizaines de militaires et civils qui restaient sur la base d’Hammoudia pendant les tirs.
Gerboise rouge, partiellement, puis surtout Gerboise verte ont été des « expériences » de « guerre nucléaire ». En fait, il s’agissait de vérifier le comportement des troupes et des matériels en mouvement sous une attaque nucléaires. Les Américains et les Soviétiques avaient fait de telles expériences au Nevada et à Totsk, près d’Orenburg (Russie). Sous Gerboise verte, le 25 avril 1961, la France a déployé sous la bombe un exercice militaire avec « l’infanterie », c’est-à-dire des fantassins à pied, disposés à 3 300 mètres du point zéro, et qui, 20 minutes après le tir ont dû manœuvrer jusqu’à 650 mètres du point d’explosion : c’était l’exercice « Garigliano ». La manœuvre comportait également une section de « l’arme blindée-cavalerie » conduite par des chars Patton venus spécialement d’Allemagne avec leurs personnels militaires. L’objectif de cet exercice était explicite : il s’agit
« d’étudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l’homme par l’arme atomique ». Vous avez dit cobayes ?
Heureusement pour les troupes, la bombe n’eut pas le « rendement » prévu par les ingénieurs du
CEA. Alors qu’on s’attendait à une énergie entre 6 et 18 kt, Gerboise verte développa à peine 1 kt. Certains commentateurs ou historiens affirment que Gerboise verte a été mise à feu dans la précipitation pour éviter que les putschistes d’Alger ne s’en emparent, ce qui expliquerait que ce fut un tir « raté ». Aujourd’hui, connaissant le déroulement de la manœuvre militaire longuement préparée à l’avance, on peut mettre en doute cette thèse. En fait, Gerboise verte est un « crime d’Etat » sciemment préparé dont il ne reste que de rares survivants.
Tous les tirs aériens de Reggane ont également permis d’étudier la résistance des matériels militaires (avions, véhicules, parties de navires…) à une explosion nucléaire. Des expériences de type « biologique » ont également été réalisées sur des animaux (rats, lapins, chèvres) disposés à diverses distances du point zéro. D’autres ont été réalisées sur des mannequins sur lesquels étaient disposés des capteurs de radiations. Certains affirment que des prisonniers du FLN auraient été exposés de cette manière. En l’attente de travaux historiques rigoureux, on ne peut, pour l’instant, appuyer cette grave accusation que sur des témoignages qui restent à vérifier.
Après le tir Gerboise verte, le terrain d’Hammoudia a servi à des « expériences complémentaires » sur des pastilles de plutonium, au nom de code « Augias », s’apparentant à celles des Britanniques en Australie et qui ont provoqué une immense pollution au plutonium de la zone de Maralinga. Les dirigeants des essais ont reconnu un accident lors de l’expérience du 19 avril 1962, faisant plusieurs blessés. Des témoignages affirment qu’il y a eu des morts, ce que démentent les rapports officiels. Quant à la pollution au plutonium de cette zone, rien ne semble avoir été fait pour y remédier, si ce n’est de mélanger les débris avec la couche sableuse de surface.