Une loi française d’indemnisation


Les discussions parlementaires sur le projet de loi Morin annonçant la « réparation » des conséquences sanitaires des essais nucléaires se sont intensément déroulées au cours de l’année 2009 et le texte final de la loi a été publié au Journal officiel le 6 janvier 2010.

Les associations Moruroa e tatou, l’Aven et le Comité de soutien « Vérité et justice » ont contribué aux débats préparatoires lors d’une audition au ministère de la Défense, de participation à de multiples commissions parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Des dossiers reprenant le point de vue des victimes et des populations ont été remis aux rapporteurs parlementaires et l’association Moruroa e tatou a même envoyé une délégation qui sera présente à Paris dans les tribunes du Sénat lors de la séance publique sur la loi Morin, le 14 octobre 2009.

Le 2 juin 2009, le Président Oscar Temaru avait écrit au Président de la République pour lui signifier que le point de vue polynésien exprimé par l’Assemblée de la Polynésie française – contestant notamment les zones géographiques retenues par le projet de loi – n’avait pas été entendu dans la version approuvée par le Conseil des Ministres. Une délégation de l’Assemblée de la Polynésie a même rencontré M. Hervé Morin pour lui signifier les recommandations des élus polynésiens.

Entre juin et septembre 2009, un atelier particulier des Etats généraux de l’Outre-mer « Gérer l’après nucléaire » a de nouveau débattu sur le projet de loi Morin et l’avant-projet de décret. Les propositions d’amendements des Etats généraux ont été transmises aux parlementaires nationaux et au rapporteur du Sénat.

Trois parlementaires polynésiens, les députés Michel Buillard et Bruno Sandras et le sénateur Richard Tuheiava ont pris la parole au nom de leurs groupes politiques respectifs lors des débats en séance plénière.

Malgré toutes ces interventions de l’ensemble de la société civile et politique de Polynésie, jointes aux critiques des associations de métropole, du Médiateur de la République, une loi très restrictive et entièrement contrôlée par le ministère de la défense a été adoptée par la majorité nationale parlementaire.

Des réajustements de cette loi considérée par beaucoup comme « a minima » pouvaient être introduits dans le décret d’application annoncé comme imminent. Une version de ce projet de décret a mis le feu aux poudres tant dans les milieux parlementaires nationaux, que chez les élus polynésiens et que dans les associations. En effet, le projet de décret réintroduisait un calcul du « seuil » de la dose radioactive absorbée pour bénéficier de l’indemnisation, seuil qui avait été explicitement retiré du premier projet de loi. Les institutions polynésiennes – Assemblée et Gouvernement – ont réagi vivement, notamment sur l’aspect restrictif des zones géographiques retenues par le projet de décret. En s’appuyant sur les données même du ministère de la défense, les Polynésiens exigent que l’on considère que tous les archipels de la Polynésie ont subi les retombées des essais aériens entre 1966 et 1974 et qu’en conséquence, tous les habitants qui vivaient ou séjournaient en Polynésie pendant cette période doivent être considérés comme des bénéficiaires potentiels de la loi d’indemnisation s’ils sont atteints de l’une ou de plusieurs des maladies listées dans le décret.

En raison de ces nombreuses critiques venues de toutes parts et de désaccords entre les ministères de la défense, du budget et de la santé, le décret a été publié le 13 juin 2010 au Journal officiel. Ce nouveau décret n’a pas pris en compte les objections des associations et des institutions de la Polynésie, notamment sur la liste des maladies et les zones géographiques. La présomption est réaffirmée clairement comme devant bénéficier au demandeur, mais le nouveau décret réintroduit la possibilité de remise en cause du principe de présomption sur le risque attribuable aux essais est considéré comme « négligeable ».





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