Le débat médiatique
Le rôle des médias est fondamental si l’on veut comprendre la contestation des essais nucléaires français jusqu’à aujourd’hui.
Sans vouloir faire une étude de presse, les spécialistes reconnaissent que le quotidien Le Monde a d’abord choisi de traiter les essais nucléaires dans la ligne du « consensus » politique droite-gauche français autour de la « force de frappe ».Ainsi, le journaliste spécialisé « défense », Jacques Isnard, a fait toute sa carrière journalistique pendant la période des essais nucléaires. Son point de vue sur les essais, dès 1966, est « informatif » sans être critique. La position consensuelle du Monde connaîtra pourtant des bouleversements remarquables au moment de l’attentat contre le Rainbow Warrior en 1985, puis au moment de la reprise des essais annoncée par Jacques Chirac en 1995. Aujourd’hui, Le Monde rejoint un nouveau « consensus » de l’opinion publique et des médias français – grandes émissions de télévision comprises -, à savoir le devoir pour la France de reconnaître et de réparer les « erreurs » commises lors de 36 années d’essais nucléaires.
En Polynésie, pendant toute la période des essais nucléaires, la quasi-totalité de la presse écrite et audiovisuelle se comporta comme le porte-parole du CEP, parfois jusqu’à l’hystérie contre les opposants. Ce fut le triste règne de la propagande.
Certains organes de presse d’opposition, comme « L’écho de Tahiti nui » tentèrent l’expérience de la critique, mais leur durée fut éphémère. S’il fallait décerner une palme honorifique aux médias polynésiens sur le suivi des essais nucléaires, c’est bien au mensuel « Tahiti Pacifique Magazine » qu’il faudrait l’attribuer. Alex du Prel, son directeur, a fait montre d’une telle indépendance que la plupart des médias de métropole le consultent régulièrement.
Aujourd’hui, la quasi unanimité des médias suit avec bienveillance la lutte des victimes de essais nucléaires. Mais cette prise de position ne serait certainement pas aussi importante si le monde des militants de paix n’avait pas su se donner des moyens plus « ciblés » pour contrer la propagande officielle sur l’innocuité des essais nucléaires. Sans négliger le rôle des grands mouvements de paix, Mouvement de la Paix, Mouvement contre l’Armement Atomique, Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté, Appel des Cent…, ce furent les organisations plus « spécialisées » qui, par la régularité et le sérieux de l’information sur les essais, contribuèrent à une prise de conscience de l’opinion publique et des médias.
Il faut d’abord citer l’apport irremplaçable, depuis 1984, du Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits avec ses publications et ses ouvrages. Depuis 1990, l’organisation Stop Essais et son bulletin mensuel, assurent encore aujourd’hui un suivi régulier de l’information et de l’action de contestation des essais nucléaires. Sur le plan international, l’association « Europe Pacific Solidarity », basée aux Pays-Bas a su mobiliser les militants associatifs et les Eglises des deux continents.