Sous la pression syndicale
« Moruroa est l’atoll le plus étudié au monde » affirment les autorités françaises !
C’est probablement très exagéré : des instituts universitaires, organisations internationales, nationales et non gouvernementales travaillant depuis des décennies sur les atolls et récifs coralliens ont publié une abondante littérature. Les recherches effectuées et publiées par les « experts » du
CEA et d’autres institutions françaises sont probablement utiles à cette science pluridisciplinaire des atolls. Mais de très nombreux travaux « français » sur Moruroa restent couverts par le secret défense en raison des activités nucléaires militaires qui y ont été effectuées. Ainsi, les recherches françaises à Moruroa n’ont qu’accessoirement une utilité scientifique, la finalité étant militaire. On comprend donc que l’essentiel de la « littérature » française sur Moruroa est le résultat des travaux de chercheurs de la Direction des Applications Militaires du
CEA, des Armées ou travaillant sous contrat avec le ministère de la Défense. C’est le cas de quatre rapports officiels publiés en 1993, 1995 et 2006.
Les projets d’expertises « indépendantes » sont intervenus tardivement, au début des années 1980, après les années de pressions internationales de l’époque des essais aériens, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France en mai 1981, mais surtout en raison des contestations internes du personnel civil des essais et de leurs syndicats à la suite des tempêtes et cyclones qui se sont abattus sur les atolls nucléaires à cette période.
La présence à Moruroa de personnels civils – « les missionnaires » - pendant les campagnes de tir constitue certainement le tendon d’Achille de l’organisation des essais. Contrairement aux militaires, les « missionnaires » envoyés depuis leurs centres
DAM du
CEA de métropole disposaient du droit syndical et veillaient scrupuleusement à l’application des droits et réglementation en vigueur au
CEA. Les conséquences radiologiques du cyclone du 12 mars 1981 qui s’est abattu sur Moruroa provoqua un tel émoi que les syndicalistes menaçaient de passer outre le secret défense sur toutes les questions de sécurité. Le ministre de la Défense, Charles Hernu, dut alors promettre la tenue d’une mission d’expertise indépendante pour « rassurer » les civils et éviter des actions plus néfastes au déroulement du programme d’essais souterrains, telles que des grèves.