Etats-Unis
Les actions du gouvernement américain au titre des « réparations » sont les plus conséquentes tant par leur ampleur que par leur ancienneté.
De plus, la pratique américaine est « évolutive » en ce sens que, sur le plan du suivi sanitaire et des indemnisations, sa législation est adaptée périodiquement en fonction des progrès de la recherche médicale, de la jurisprudence des tribunaux mais aussi des informations nouvelles sur le programme d’essais nucléaires qui n’est plus couvert par le secret militaire depuis 1993. Ainsi, en 2008, des négociations ont lieu entre Washington et les Iles Marshall pour prendre en compte l’ampleur des contaminations dues aux essais nucléaires découvertes dans les archives. En effet, ce ne sont plus quatre ou cinq atolls qui ont été concernés par les retombées radioactives mais vingt atolls habités des Marshall.
Aux Iles Marshall, un programme de suivi médical des populations déplacées de Bikini, Enewetak et Rongelap a été mis en place dès la fin des essais aériens, notamment pour les habitants de l’atoll de Rongelap qui furent évacués tardivement. Cependant, comme il y a eu des tentatives de retour des insulaires sur leurs atolls qui durent être interrompues, les Etats-Unis ont financé une partie du programme de santé publique de la République des Iles Marshall à Majuro (capitale de la République) et à Rongelap.
En 1986, dans le cadre des accords d’indépendance des Iles Marshall, un tribunal spécial – Nuclear Claims Tribunal - a été créé à Majuro pour recevoir les revendications des victimes des essais américains. Ce tribunal détermine les dédommagements des propriétaires pour les terres spoliées ou rendues inexploitables, les budgets nécessaires pour la réhabilitation de certaines terres lorsque c’est possible ou nécessaire, et les indemnisations pour le dédommagement des personnes atteintes de maladies, sur le modèle de la législation américaine.
Un fonds d’indemnisation a été créé pour le « Nuclear Claims Tribunal » et il est a été abondé par le budget fédéral américain. En 2008, le Fonds est épuisé et des négociations ont cours à Washington pour que les Etats-Unis contribuent à nouveau à l’alimenter.
Les Etats-Unis ont engagé très tôt des opérations coûteuses de réhabilitation de l’atoll de Bikini avec l’objectif du retour de la population. Ce fut un échec et aujourd’hui la seule activité « intermittente » sur Bikini est l’organisation de séjours « touristiques » pour la visite des fonds du lagon encombrés par des épaves de navires coulés lors des essais nucléaires. Ces visiteurs doivent cependant signer une « décharge » les engageant à n’exercer aucune poursuite contre le gouvernement des Etats-Unis en cas de problèmes de santé ultérieurs !
Les Etats-Unis ont également effectué des opérations de restauration sur l’atoll d’Enewetak. Les sols et les matières contaminés ont été rassemblés et stockés dans un immense bâtiment bétonné dont les experts ont affirmé qu’il tiendrait aux intempéries pendant 5 000 ans. La population d’Enewetak a pu retourner sur son atoll, mais un laboratoire de suivi médical a été mis en place sur l’atoll même en coopération entre des personnels des Marshall et des Etats-Unis.
L’atoll de Rongelap a été très contaminé par les retombées du tir Bravo du 1er mars 1954. La Commission de l’Energie Atomique des Etats-Unis a néanmoins autorisé la population à retourner sur Rongelap en février 1957. Mais, en 1985, l’état sanitaire de la population était tel qu’il fallut à nouveau évacuer l’atoll. Des opérations de réhabilitation des terres et de la végétation ont été effectuées par la suite et certains îlots sont encore aujourd’hui interdits. En 1999, une équipe scientifique internationale, sous la direction du Pr Jun Takada de l’Université d’Hiroshima, a effectué une mission sur Rongelap pour évaluer les risques d’une réinstallation de la population. Le rapport Takada juge en finale que le retour de la population sur l’atoll peut être envisagée, à condition que ses 20 recommandations soient scrupuleusement suivies. Une partie de la population de Rongelap est, depuis, retournée sur l’atoll et un suivi médical lui est également assuré.
Aux Etats-Unis même, la principale mesure de réparation est l’adoption d’une loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires qui est effective depuis 1988, c'est-à-dire avant même la fin des essais. Cette loi repose sur le principe de présomption d’origine : le plaignant doit justifier de sa présence sur les sites d’essais ou de sa présence dans un rayon de 530 miles du point zéro (environ 700 km) du temps des essais aériens et justifier de l’une ou l’autre des pathologies inscrites sur un tableau révisable au fil des progrès scientifiques. Périodiquement, des actions sont engagées par des familles pour l’élargissement de la zone retenue par la législation. En effet, les informations découvertes dans les archives des essais notent les dommages mesurés par les retombées des essais aériens dans des régions qui dépassent les 530 miles.
L’indemnisation prévue par la loi n’est pas faite pour couvrir les frais médicaux mais bien pour réparer le préjudice subi par le plaignant ou ses ayants droits.
Le site d’essais du Nevada n’a pas été fermé par les Etats-Unis. Néanmoins, d’importantes mesures de réhabilitation environnementale ont été engagées sur le site, notamment dans la gestion des déchets nucléaires issus du programme d’essais. D’importantes mesures de surveillance de l’environnement et des nappes phréatiques ont été mises en place. La gestion des déchets radioactifs produits par les essais aériens et souterrains fait l’objet d’une vigilance particulière selon des normes rigoureuses. Des visites pour le public sont organisées sur le site même d’essais et un grand musée consacré à la mémoire des essais nucléaires américains a été construit à Las Vegas.