Les risques à venir
L’état des lieux radiologique et géologique des deux atolls de Moruroa et de Fangataufa pose déjà d’importantes questions sur les conséquences environnementales pour l’immédiat.
Les organismes qui ont effectué les expertises à la demande du gouvernement français ont fait référence à la climatologie particulière de la zone tropicale où se trouvent situés les deux atolls. Ainsi, l’
AIEA a modélisé les risques des tempêtes et même des cyclones dans un long chapitre théorique, mais pour conclure que le résultat serait
« sans importance du point de vue radiologique ».
Or, au cours des 30 ans d’essais nucléaires, le
CEP a déjà eu l’expérience de graves catastrophes climatiques et notamment des cyclones de 1981 qui bouleversèrent l’environnement de Moruroa et inquiétèrent la Direction des essais. Pour l’avenir, il importe donc de tenir compte de la puissance de ces événements climatiques majeurs qui pourraient contribuer à la déstabilisation de certaines zones déjà fragilisées, à détruire les systèmes d’obturation des anciens puits de tirs, à déplacer des sédiments contaminés…
En 1996, les experts de l’
AIEA se sont aussi préoccupés des risques pour l’avenir plus lointain. Toutes sortes de prévisions ont été faites, même l’abaissement du niveau des océans consécutif à une éventuelle glaciation a été évalué. Ils n’excluent pas non plus le réchauffement de la planète et l’élévation consécutive du niveau de l’océan. Mais selon le rapport, la montée des eaux océaniques « n’aurait guère d’impact sur la dose de rayonnement aux personnes ».
En fait, l’
AIEA, comme l’affirme constamment l’industrie nucléaire, estime que la « dilution » est la meilleure réponse aux risques de la radioactivité : dilution des « effluents » gazeux dans l’atmosphère, dilution des « effluents » liquides et solides dans les eaux océaniques… Or la dilution ne résout pas les réalités de la physique nucléaire qui font qu’un élément radioactif a une « durée de vie » incontournable où qu’il soit et sous quelque forme que ce soit.
Dix ans après la publication du rapport de l’
AIEA, des informations nouvelles sur l’état radiologique et sur le système de surveillance de Moruroa ont été publiées. De plus, l’élévation du niveau des mers se confirme dans le Pacifique insulaire et l’on parle déjà d’évacuation de populations de certains atolls au Kiribati. Il n’est donc pas imaginaire de penser que Moruroa et Fangataufa risquent de se trouver partiellement ou totalement submergés. Comment réagiront les deux atolls à une submersion déjà bien entamée par les effets des essais nucléaires ? Qu’en sera-t-il de la surveillance des atolls ?
Plus de 10 ans après l’arrêt définitif des essais nucléaires, le plus grand risque est « l’oubli ». De plus, le système d’autocontrôle mis en place par le ministère de la Défense vise à « banaliser » les atolls nucléaires pour tenter de faire croire, contre toute évidence, l’innocuité environnementale et sanitaire de trente ans d’essais nucléaires. Le poids de cette « désinformation » officielle est tel que le rapport sur l’état de l’environnement en Polynésie française pour 2006, publié et financé par le ministère polynésien de l’environnement, ne consacre que quelques lignes sur les conséquences et les risques environnementaux des essais nucléaires. La même « politique de l’autruche », occultant les atolls de Moruroa et Fangataufa se répercute dans le « Bilan de la surveillance de la radioactivité en Polynésie française » publié annuellement par l’
IRSN et préparé par son annexe locale de Mahina, le
LESE.