Les sites d’essais nucléaires
La plupart des essais aériens ont été effectués loin du territoire national des Etats qui construisaient ces bombes. L’URSS disposait de deux principaux centres d’essais au Kazakhstan et en Nouvelle-Zemble, loin de Moscou. La Grande-Bretagne a réalisé ses essais aériens en Australie, sur les territoires des Aborigènes, et à l’Ile Christmas dans le Pacifique central. La France a effectué quatre essais aériens à Reggane au Sahara et 46 essais aériens à Moruroa et Fangataufa dans le Pacifique. La Chine a effectué ses essais dans une province du Nord de la Chine peuplée par une minorité musulmane Ouigour. Les Etats-Unis ont effectué les plus puissants tirs aériens dans le Pacifique (Iles Marshall, Johnston et Christmas), mais ils ont également effectué une centaine de tirs aériens de faible puissance dans le Nevada sur des territoires du peuple Shoshone, une minorité autochtone d’Amérique.
L’histoire des essais nucléaires montre clairement que les grandes puissances ont, pour la plupart, effectué leurs essais loin de leur propre territoire ou dans des zones de leurs territoires éloignées des centres vitaux. La France a souvent justifié ses essais à Moruroa en prétextant qu’il s’agissait d’une région peu peuplée et où le régime des vents permettait d’éviter des retombées radioactives sur des îles habitées. On sait qu’il n’en fut rien : toutes les îles de la Polynésie française furent touchées par des retombées et bien au-delà. Il est vrai que les Etats-Unis et l’URSS ont aussi effectué des essais aériens, avant 1963, sur des sites proches d’agglomérations importantes comme Los Angeles (Californie) ou Alma Ata (Kazakhstan).
Pour comprendre cela, il faut plutôt se replacer dans le contexte politique mondial de cette époque de la « guerre froide » où les deux Grands se préparaient à une guerre nucléaire. Chaque pays faisait une grande propagande pour les armes nucléaires et il était quasiment impossible de protester publiquement. En URSS, l’histoire nous apprend que les peuples ne pouvaient guère protester sous peine de déportation ou d’extermination. La carte des sites d’essais soviétiques montre que la protection des populations n’était pas une priorité !
Aux Etats-Unis, les opposants au nucléaire et les sympathisants communistes étaient considérés comme des espions « soviétiques » auxquels on faisait une chasse sans merci.
Même l’inventeur de la bombe américaine Robert Oppenheimer fut soupçonné d’être pro-soviétique et suspendu de ses responsabilités par le Président Eisenhower.
En 1953, un couple d’Américains, Julius et Ethel Rosenberg, fut exécuté au motif d’espionnage au profit des Soviétiques, ce qu’ils avaient pourtant toujours nié.
Pour toutes les puissances nucléaires, le choix des sites d’essais a toujours été fait en fonction de critères tenant compte certes de la proximité de populations, mais aussi du contexte politique de l’époque. En passant du Sahara à la Polynésie, la France tenait compte du contexte politique de l’indépendance de l’Algérie et de l’isolement de la Polynésie où elle venait d’éliminer son principal « opposant », Pouvanaa a Oopa.