1966 – Paris : Cri d’alarme d’un savant


Jean Rostand, biologiste et membre de l'Académie française. Début 1966, alors que la France se prépare à reprendre des essais dans l’atmosphère en Polynésie, des membres de la communauté scientifique s’inquiètent. Jean Rostand, célèbre biologiste et membre de l’Académie française pousse un cri d’alarme :

« Déjà des explosions s'annoncent, tandis que d'autres, dans l'ombre, se préparent suscitées par l'infernale contagion du pire. Les pauvres îles Touamotu, jusque-là si heureusement paisibles, vont bientôt connaître — parce qu'elles ont l'infortune d'être en territoire français — les effets de la radio-activité à bout portant. Tout ce qu'on croyait avoir gagné sur le « mal biologique », sur les mutations nocives, sur la leucémie, sur le cancer, est remis en cause. Une fois de plus, l'homme va être victime de l'entêtement ou de l'orgueil de quelques-uns. La décadence de l'espèce se poursuivra. Le crime continue… »


UN CRIME VIVANT

« En détériorant le patrimoine héréditaire humain, on fait peut-être pis que de tuer des individus : on abîme, on dégrade l'espèce. On met en circulation de mauvais « gènes » qui continueront à proliférer indéfiniment. C'est non seulement un crime dans l'avenir qui est ainsi per¬pétré, mais un crime vivant qui s'entretient de lui-même.

Il n'est pas inutile de faire observer que la production de mauvais gènes est d'autant plus à craindre que, dans l'état présent de notre civilisation, la sélection naturelle, fort adoucie, n'exerce plus ses effets épurateurs sur le patrimoine héréditaire humain. Nous avions pu croire, un instant, que ces saboteurs du protoplasme humain, ces plastiqueurs des acides nucléiques que sont les fauteurs d'explosions nucléaires avaient dit leur dernier mot. Les accords de Moscou avaient fait lever une grande espérance. Hélas, il fallut bientôt déchanter. C'eût été trop beau, trop grand, trop généreux...

Déjà des explosions s'annoncent, tandis que d'autres, dans l'ombre, se préparent suscitées par l'infernale contagion du pire. Les pauvres îles Touamotu, jusque-là si heureusement paisibles, vont bientôt connaître — parce qu'elles ont l'infortune d'être en territoire français — les effets de la radio-activité à bout portant. Tout ce qu'on croyait avoir gagné sur le « mal biologique », sur les mutations nocives, sur la leucémie, sur le cancer, est remis en cause. Une fois de plus, l'homme va être victime de l'entêtement ou de l'orgueil de quelques-uns. La décadence de l'espèce se poursuivra. Le crime continue.

En face du péril atomique, de ce péril qui ne res¬semble à aucun autre, qui est incommensurable à tout autre, de ce péril qui, par son amplitude, impose à l'espèce tout entière de nouvelles façons de penser et d'agir, en face de ce péril dont il est honorable autant que raison¬nable d'avoir peur, il ne devrait plus y avoir ni pays, ni continent, ni monde libre ou pas libre, mais rien que des hommes, citoyens de la planète, tous mêlés, confondus, fraternises par une égale menace. »

Source : Daniel Parker et Robert Bonniot ; Folie nucléaire, Editions de l’Epi, 1966, p. 36-37



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