2 juillet 1966 (fin d’après midi) - Mangareva
A quelque 400 km à l’est de Moruroa, un drame se noue silencieusement à Mangareva, l’île principale de l’archipel des Gambier. Quelques jours auparavant, les hommes de Mangareva ont vendu des caisses d’oranges et des régimes de bananes pour les militaires de Moruroa. Le Père Daniel, le curé tout puissant de la paroisse, veille au grain.
En 1966, les militaires sont peu nombreux à Mangareva.
Les travaux n’ont pas encore commencé pour la piste d’aviation de Totegegie sur le récif des Gambier. La petite unité militaire est stationnée au petit village de Taku. Ces hommes sont principalement chargés de la météo et de la surveillance de la radioactivité. Ils ne manifestent guère d’inquiétude à propos des essais de Moruroa, même si la Direction des essais leur a demandé d’installer un abri gonflable à Rikitea, le village principal. C’est la « tortue », comme l’ont surnommée les Mangareviens, qui avait servi jusqu’à présent pour des séances de cinéma. Mais ce 2 juillet, la tortue est restée vide.
Ce jour-là en effet, était un jour de fête pour les Mangaréviens. Le ministre de la France d’outre mer, accompagné de plusieurs personnalités de Tahiti était parmi eux pour assister à l’événement. Il y avait aussi, Gaston Flosse, natif de Rikitea, nouvellement élu maire de Pirae à Tahiti. John Doom, alors journaliste, servait d’interprète aux officiels.
En fin de soirée, la délégation a pu voir un « champignon » bien effiloché. Rien de bien extraordinaire. Pourtant, tard dans la nuit, ce fut le branle-bas de combat et le signal d’un départ précipité pour le lendemain à l’aube.